Poincheval-OURS
From 1st till 13 April 2014 continuously, the performeur Abraham Poincheval lives inside a bear naturalized in one of the showrooms of the Musée de la chasse et de la nature in Paris. The animal is fitted out to receive his tenant as well as a whole device of autonomy. What reveals such an artistic act? A fable, where the ancestral order of domination would symbolically be spilled, between the human being-predator and the animal-consommé; no without irony because the performance takes place in a place dedicated to the tradition of the hunting in Western Europe. The biblical history revisited by Jonas and by the whale? Except that here the journey is motionless and accompanied with the diurnal stream of visitors of the museum. It is a question here of being literally in the skin of the bear and in permanent relation with the public: during the performance a webcam in the bear connects 24/24 live Poincheval and the world via Internet.

Keywords: contemporary art, cabinet of curiosities, spatiality, animality, present time, performance, to live in, geography, ontology, bear, Abraham Poincheval, Werner Herzog

Du 1er au 13 avril 2014 sans interruption, l’artiste Abraham Poincheval séjourne à l’intérieur d’un ours naturalisé, installé dans une des salles d’exposition du Musée de la Chasse et de la Nature à Paris. Ce qui reste de la bête sauvage est aménagé a minima pour recevoir, en son ventre exiguë, l’homme d’1,70 mètre environs à demi allongé. Il y aussi tout un dispositif d’autonomie pour subvenir à ses besoins élémentaires une fois le ventre clos : manger, boire, dormir, uriner, déféquer… mais aussi lire.

Les visiteurs sont informés de cette présence invisible, ainsi que des différentes phases préparatoires qui ont permis l’aboutissement du projet : maquettes, dessins, et menus journaliers sont également exposés dans une salle adjacente du musée. Il n’y a pas de mystère (ni de magie) dans le fonctionnement du dispositif clairement révélé, c’est une expérimentation organisée rationnellement : techniciens, médecins, experts en situations extrêmes ont été consultés en amont. Il en va de la survie d’un homme.

Les visiteurs peuvent toujours s’en remettre directement à l’artiste et le questionner de vive voix à travers la peau de l’ours. Et même le regarder par l’anus de l’animal transformé en oculus, pour vérifier la réalité de sa présence. Voire suivre l’événement grâce à une webcam dans l’ours donnant à voir en direct l’image de l’artiste (sans le son) en plusieurs lieux de diffusions :

– in situ à partir d’une vitrine du musée donnant sur la rue, et dans une des salles d’exposition adjacente à l’ours ;

– ex situ à partir d’écrans de projection au sein de lieux publics dédiés à l’art au Palais de Tokyo, au Macval, au musée Gassendi, et aussi à partir du Webmonde, et là, 24/24.

Si Poincheval est littéralement dans la peau de l’ours, il n’en est pas pour autant à « faire l’ours », il ne fuit pas la civilisation. Il est au contraire en relation avec elle : le temps de ce voyage immobile il se sait regardé depuis le Web, entendu et vu aux heures ouvrables du musée de 11h à 21h30 tous les jours sauf le lundi, et même lors des heures de fermeture où il y a toujours du passage, notamment celui du personnel du musée.

Il ne s’agit pas non plus d’incarner la bestialité dans une civilisation qui la refuse : il est dans une sculpture (animal naturalisé) et dans un musée (lieu de conservation et de diffusion de l’art et du savoir). La situation est d’abord incongrue, inattendue, singulière.

Le Musée de la Chasse et de la Nature

Le Musée de la Chasse et de la Nature[1] est un musée privé. Il comprend deux hôtels particuliers et mêle des collections historiques d’art et de technique (mobilier, arts de la table, peintures, armes à feu, etc.), des collections naturalistes (animaux naturalisés, typologies de traces, etc.), et des œuvres d’art contemporaines spécifiques au lieu et à son projet. Un musée, en général, est une manifestation culturelle de la civilisation qui se regarde, qui a conscience d’elle-même et de sa prééminence à comprendre le monde par sa domestication. Il s’agit du musée européen héritier de la rationalité moderne, que l’époque des Lumières va développer sous la forme univoque et généralisée, notamment, de la division des savoirs, de leur partition et donc de leur séparation. Le musée est alors l’incarnation d’un possible savoir universel et objectif du monde dans sa totalité, comme hors du temps et de l’espace finalement. Idéal ou idéologie ? Universalité ou normalisation ?  Il y a un autre esprit originel propre au musée, resté dans l’ombre, et lui aussi héritier de la Renaissance et de la modernité et qui a pris la forme de chambres des merveilles (Wunderkammer) puis de cabinets de curiosités[2]. En ces lieux, la classification est fondée sur une pensée analogique, associative et mobile de ses collections, elle est donc souple et changeante, sans permanence, au point de pouvoir prendre en charge l’inclassable :

La Wunderkammer est la classe paradoxale des êtres sans classe, le reposoir des monstres, la table synoptique de ce qui ne trouve place dans aucun tableau systématique. […] Cette imprévisibilité des séries associatives qui ordonnent la chambre des merveilles a pour corollaire une non moins inquiétante maniabilité de ses objets. […] la chambre des merveilles est le théâtre d’un incessant bricolage, qui accroît encore l’errance de chaque objet à travers les classes[3].

La chambre des merveilles est propice à la créativité, chez ses auteurs comme chez ses visiteurs : la pensée comme activité créatrice à expérimenter (fondée sur l’analogie, l’indice) et non pas comme système fixe à maîtriser, à apprendre. Il y a quelque chose du mythe d’Isis et Osiris dans la nature double du musée : lieu à la fois de la dissection, du corps démembré, dont les parties séparées sont mises à distance ; et lieu de la recomposition d’un homme-monde, d’un cosmos possible, d’une dynamique des parties entre-elles enfin recouvrées.

Comment comprendre ce que tente Poincheval par cette performance inscrite dans le champ de l’art, lui-même inscrit doublement dans une sculpture-ours et dans un musée dédié aux rapports de prédation homme-animal ? Quelle est la nature de la relation qu’il cherche à établir par cette situation créée avec l’animalité (animalité dans le sens de relation à l’animal) ?

Parcours

Pour l’envisager, il faut revenir sur son parcours. Poincheval est un artiste français, formé en école d’art (du Mans et de Nantes), et performeur depuis 2001. D’abord en duo[4], puis en solo, il conçoit des aventures qu’il vit pendant plusieurs jours ou semaines.

Des aventures stationnaires : dans un rocher où il est enfermé[5], sur une plateforme où il stationne tel un stylite ou une vigie de bateau[6].

Des aventures déambulatoires : il traverse les Alpes franco-italiennes de Digne à Caraglio lors d’une marche en solitaire avec un habitacle mobile[7].

Des aventures à la fois stationnaires et déambulatoires : il transite dans différentes villes installé dans une bouteille à échelle humaine[8]. Son travail ne s’arrête pas à l’acte de la performance : les habitacles deviennent ensuite sculptures ; il présente ses dessins et maquettes préparatoires, des photographies lorsque l’aventure s’y prête, à l’occasion d’expositions ; il édite des textes et des récits de certaines de ses expériences. Ses différentes performances oscillent entre plusieurs situations spatiales opposées et parfois en tension : entre la terre (voire le souterrain) et l’espace (aérien), à travers la figure de l’ermite et celle du cosmonaute (en passant par celle du navigateur solitaire) ; entre une présence directe (in situ) et un éloignement, une distance (un hors d’atteinte) ; entre le dehors et le dedans. L’enjeu premier et commun à ses performances sans confort, c’est sa présence au monde humain malgré l’éloignement, selon un positionnement peu commun. Une manière notamment, qu’il soit à l’intérieur de l’ours, du rocher, ou sur la plateforme, dans la bouteille, de traduire en la matérialisant la distance avec ce que vit au même moment le monde extérieur à l’ours, au rocher, à la plateforme, à la bouteille[9]. Pour résumer, ses performances sont des situations spatio-temporelles spécifiques, circonscrites, et qui consistent à habiter des objets, des accessoires, des dispositifs, des lieux, des figures, des signes, des symboles selon des protocoles précis.

Variations d’habiter

On peut donc envisager ses performances comme des variations d’habiter, par la mobilité ou l’immobilité, ou les deux entremêlées. Il y a aussi d’autres variations d’habiter combinées avec les précédentes. L’une d’entre elles consiste à habiter littéralement le langage métaphorique, des expressions : lancer une bouteille à la mer, être un papa poule[10], être un ours, être dans les nuages[11]. Cette variation d’habiter s’approprie le sens symbolique commun, pour en développer une nouvelle strate d’imaginaire, comme pour ouvrir la définition au mythe par l’expérimentation concrète et littérale d’un artiste en un espace-temps donné.

Une autre variation consiste à habiter des figures historiques, mythiques du christianisme : le moine gyrovague errant et mendiant ou l’ermite stylite dans des performances spécifiques ; le yourodivy appelé aussi saint-idiot ou encore fol-en-christ de manière générale dans son travail. Poincheval est très inspiré par ses lectures de Dostoïevski. Et aussi par l’essai historique écrit par le philosophe Cezary Wodzinski[12], sur le yourodivy de la tradition byzantine et russe, héritier des prophètes de l’Ancien Testament, jusqu’à Diogène. Par des actes cocasses, comme emprunts de folie au premier abord, le Saint-Idiot révèle au monde sa fausseté, sa duplicité, et cela sans ménagement, invectivant le plus pauvre comme le tsar.

Et il est vrai qu’il y a quelque chose d’assez cocasse dans le fait d’annoncer de but en blanc : un artiste habite un ours pendant 13 jours, qui plus est au Musée de la Chasse et de la Nature où le raffinement le dispute à la sophistication. Quel idiot pourrait bien le faire ? Comme si la foire (aux Freaks) avait à voir avec le musée. Cocasse car ce que sous-tend le rire, c’est le malaise face à l’inattendu, l’incongru, le hors-norme grotesque de la situation créée par l’artiste, et qui pourtant fait signe.

Un autre registre de variation consiste à développer un rapport particulier à l’animalité : rapport de concurrence avec des rats par exemple[13] ; rapport chimérique en devenant l’appareil digestif d’un ours naturalisé, ou encore en couvant des œufs de poule dans une sorte de vivarium. Une performance qui était à la fois un mélange des genres et des espèces : un homme devenant une poule. Par ces variations d’habiter l’animalité (et non pas l’animal), Poincheval développe des rapports de proximité, et même d’intimité, d’un ordre nouveau. Comment cette idée, ce désir d’habiter un ours naturalisé, plus particulièrement, sont-ils nés ?

Genèse d’une œuvre

Des éléments précis ont nourri ce projet. Il y a d’abord une vision forte. L’artiste raconte :

La première idée vient à la suite du voyage avec le Gyrovague, du moment passé dans la montagne sans l’homme (même s’il n’est pas loin) du « partage » avec l’animal d’un espace laissé vacant ; le retour à l’humanité qui se fait par le truchement de deux chasseurs qui ramènent du gibier évidé (un chevreuil), par l’œil humide et ouvert de cet animal où se reflétait moi et la capsule… Une sensation de quitter un monde pour retourner dans un autre[14].

Il y a aussi l’histoire racontée par des proches de l’artiste, celle d’un jeune-homme pauvre pendant la Seconde Guerre mondiale, un autrichien enrôlé chez les SS qui se retrouve seul dans une forêt durant plusieurs jours, mais suivi par un ours. Poincheval a retrouvé sa trace dans un village à 40 km de Strasbourg pour le voir et s’entretenir avec lui, mais il était mort : « Je souhaitais entendre le récit de sa bouche […]. Ça m’a toujours eu l’air d’un récit mythologique, je ne sais pas la place qu’il prend dans ce projet, mais ça été une question qui m’a hanté pendant que je réfléchissais au projet[15]. »

Poincheval découvre aussi le livre de Michel Pastoureau[16], livre qui lui

[…] a fait comprendre que l’ours c’était l’histoire de l’humanité, qu’habiter l’ours c’était certes, à première vue, habiter l’animal, mais que c’était aussi habiter une histoire de l’humanité. L’ours c’est un passeur une capsule qui permet de transiter d’un espace à un autre[17]

L’ours est un moyen de transport. Il s’agit d’être en relation à, par cette forme inattendue d’habitacle en ces lieux. Dans son livre, Pastoureau retrace les différents états des relations de l’homme à l’animal en Europe : roi des animaux, vénéré, craint, et surtout pensé comme parent de l’homme. Réputé violeur de femmes, il serait à l’origine de guerriers chimériques invincibles. Objet de cultes pendant des millénaires, l’ours a été déchu par l’Église combattant toutes les résurgences païennes. Il sera éradiqué, diabolisé, réduit à une bête de cirque. Pastoureau commence son livre par la peur de l’humain au Paléolithique qui partageait son seuil avec l’ours des cavernes. Il conclut par l’ourson en peluche, présence rassurante pour l’enfant, mais « peut-être son premier dieu », un reliquat mythique hors d’état de nuire ?

Le dernier élément inspirant Poincheval, c’est Grizzly man, film-documentaire de Werner Herzog (2005). Ici aussi, avec Herzog, on passe de l’ours sauvage à l’ourson en peluche : un des derniers plans du film on voit Timothy Treadwell se filmant dans sa tente avec sa peluche, tout en parlant à la caméra. Herzog dresse le portrait de cet américain à partir d’une enquête filmée menée après sa mort mais aussi à partir des rush du défunt. Car Treadwell est mort en 2003 dévoré par un ours, après treize étés passés à vivre au plus près des grizzlys d’Alaska, en l’île de Kodiak plus particulièrement. Treadwell va, en partie, adopter un comportement similaire aux ours pour qu’ils le tolèrent, jusque dans une certaine proximité que décrit le film. Personnage étrange, il s’est voulu défenseur des ours de Kodiak, alors qu’ils n’étaient pas menacés. Treadwel filme et commente régulièrement sa vie avec les ours lors de ces cinq derniers voyages. Il est seul et isolé pendant des séjours de quatre mois, et se confie ainsi à sa caméra, lui livre « ses démons », « ses extases ». Herzog analyse ses voyages comme une quête de lui-même. Se sentant étranger au monde des hommes, Treadwell incarne la réalité tragique d’un homme qui ne se bat que contre lui-même, tels les héros imaginaires traversant les fictions d’Herzog. Au sujet des rush, Herzog raconte dans son film :

J’ai trouvé, qu’au-delà d’un film sur la nature, ce matériel recelait une histoire d’une beauté et d’une profondeur stupéfiantes. J’ai découvert un film sur les extases humaines et les troubles intérieurs les plus sombres. Comme s’il y avait en lui le désir de s’échapper de sa condition d’homme et de se lier avec les ours. Timothy Treadwell est parti à la recherche d’une rencontre primordiale. Mais en faisant cela il a franchi une frontière invisible[18].

Conquête de l’inutile : une expérience du temps

Poincheval a été impressionné par la radicalité de cette histoire et la vision qu’en a donnée Herzog. Mais il ne rejoue pas pour autant la place de Treadwell dans le ventre de l’ours. La littéralité est ailleurs ici. On peut imaginer la stupeur tragi-comique de Treadwell, auto-proclamé chevalier des grizzlys[19] : ne vivrait-il pas comme une imposture le fait qu’un artiste (sans cheval) s’emmitoufle dans la peau d’un ours tué de main d’homme, au musée célébrant la chasse comme sport et loisir de tradition, tout en reprenant le principe de la caméra omniprésente ?

Pour Poincheval, sa performance Ours est, certes, un dispositif « d’émancipation et d’ivresse[20] » nécessitant un engagement total. Mais il ne s’agit ni de record, ni d’héroïsme, ni de quête. Plutôt d’une « conquête de l’inutile[21] » que Poincheval partage avec Herzog[22].

Cette « conquête de l’inutile » passe par l’agir (le corps à l’œuvre dans l’espace) chez Herzog en filmant, chez Poincheval en performant. Il y a peut-être du stylite chez Herzog, comme chez Poincheval : distants de l’humanité pour l’approcher au plus près. Pour réaliser certains plans panoramiques de Fitzcarraldo (1982), Herzog avait installé une plateforme au sommet d’un arbre, lui-même au sommet d’une montagne ; pour donner à voir la géographie vertigineuse de cette région d’Amérique du Sud, mais aussi la folie de Fitzcarraldo qui veut faire construire un opéra dans la forêt et décide pour cela de faire passer un col à son bateau ; opération absurde qu’Herzog filmera réellement, fiction et réel se confondant. Un film réflexif en quelque sorte. Mais, contrairement au cinéma d’Herzog et même aux rushs de Treadwell peuplés de grizzlys, la webcam de Poincheval le révèle dans une intimité anti-spectaculaire, sans événement à proprement parler. Avec Poincheval, il n’y a rien à voir, ni même à surveiller, puisqu’il ne se passe rien que le quotidien dans toute sa banalité, statique qui plus est : manger, lire, dormir… Rien qui ne soit hors-norme, même la défécation reste invisible par la lumière éteinte, ou par un livre ingénieusement disposé. Au premier abord, la présence de la caméra paraît inutile. Au bout d’un certain moment à regarder Poincheval, le visiteur immobile face à son écran se met à expérimenter l’écoulement du temps, à l’instar de l’artiste. Poincheval est certes concrètement installé en l’ours, il n’empêche que l’installation prolonge cette expérience temporelle jusque chez le visiteur virtuel. Une autre forme de proximité avec l’artiste aussi éloigné géographiquement que peut l’être ce visiteur d’un autre espace.

Dans le ventre de l’ours

Cette expérience du temps par l’artiste passe par un voyage doublement intériorisé : immobile dans le ventre de l’ours, d’une totale mobilité dans son espace mental. Voici ce qui se passe. À l’intérieur de la sculpture habitable, il a d’abord fallu un temps d’adaptation nécessaire pour développer une respiration, une gestuelle, et même un quotidien en fonction de cette position et de cet espace :

Ce qui m’intéresse c’est de me mettre à l’intérieur des choses […] pour voir jusqu’où ça peut aller et à quelles conditions, et pour en percevoir les limites

[…]. Les pensées fortes se sont produites plutôt pendant la fabrication de l’ours ou je faisais beaucoup de rêves d’ours. Une fois à l’intérieur tout s’est arrêté et c’était plutôt, à l’intérieur, l’organisation qui a pris le dessus. Un peu comme dans un voyage il faut rester vigilant au bon déroulement… la partie vaporeuse peut disparaître[23].

Il y a performance dans la contrainte physique et psychologique que l’artiste s’impose et doit surmonter dans la durée ; c’est une expérience limite propre non pas au sport compétitif, il ne défie que lui-même et aucun record, mais au dépassement de soi comme dans toutes formes d’aventure, d’exploration, qu’elles soient spatiale, souterraine, aquatique, alpine ; et aussi sous la forme d’expériences méditatives. Il s’agit d’un dépassement de l’appartenance à soi : « derrière l’exploit sportif, il y a une recherche de la limite et du bonheur éprouvé à cette espèce de perte de soi[24] ».

Parfois, une forme de semi-conscience est atteinte :

Il n’y a pas d’immobilité réelle. Il y a un mouvement qui donne une impression de non-mouvement. Il y a aussi l’idée d’une dissolution, d’une évaporation dans les lieux, dans les choses dans lesquelles on est. […] Je suis dans la fluidité totale et, en même temps, il y a des épreuves. […] je suis dans une autre temporalité, un autre espace. […] C’est une sorte de voyage, un mouvement dans lequel entrer[25].

Poincheval note les remarques, les visions, les pensées, les rencontres, pour s’en souvenir a posteriori. C’est un moyen pour se remémorer ce qu’il oublie car il est dans un état autre pendant son voyage. Une expérience, un état, que les visiteurs ont facilement assimilé à l’hibernation. Pourtant, à y bien regarder, l’ours qui hiberne ne dort pas en permanence, il sort même parfois de sa grotte, mais ni ne mange, ni ne boit, ni n’urine, ni ne défèque. D’ailleurs c’est ce qui fait que cet animal est regardé de près par les chercheurs pour envisager la vie humaine prolongée dans l’espace… Il n’y a pas mimétisme littéral entre Poincheval et l’ours. Si Poincheval hiberne, c’est dans l’idée métaphorique que l’on prête à cette activité physique ralentie. Et s’il hiberne, c’est pour s’inscrire dans la durée, assister « au temps que le temps met à passer[26] », contempler. L’hibernation ici est comme un retrait, une mise entre parenthèses, tout en étant une activité psychique intense de veille et de semi-conscience. Habiter la relation à l’animal (l’animalité), c’est être au présent pour Poincheval. Ce que développe Jean-Christophe Bailly dans la lignée de Nietzsche : l’animal est dans l’ouvert (« pensées pensives »), il est au présent permanent, ce qui est refusé à l’humain (« pensée pensante ») ; le présent humain est toujours biaisé par le souci d’un passé ou d’un futur, et par l’interprétation ; ainsi l’humain vit-il dans le « monde des formes », alors que l’ouvert s’oppose au « monde des formes », qui lui est libre de tout souci de formation[27] :

Peut-être est-ce seulement là, auprès des animaux donc, que l’on rencontre véritablement l’entière et mirifique conjugaison du verbe être, peut-être est-ce seulement là que l’extraordinaire et refoulé puissance de désappropriation de cet infinitif se dégage de toute substantivation et de tout aspect de stèle, libérant, au lieu d’un règne ou d’une emprise, une déclinaison infinie des états, des postures et des modes d’être : être brochet, être gnou, être chat, être singe […], être celui-ci de l’Atlas, suçant une feuille givrée pour se désaltérer, tel jour d’hiver dans telle vallée, autrement dit être cet être et l’être ainsi dans cet instant, dans la trouvaille de cet instant[28].

Être ours pendant treize jours au Musée de la Chasse et de la Nature à Paris : c’est une expérience intérieure, le développement d’un espace autre, mental celui-ci, limité uniquement par la durée du voyage, et rendue possible par l’expérience physique et de la situation et les relations qui s’y nouent. Cette activité ontologique (puisqu’il s’agit d’être) se nourrit d’une extériorité physique de proximité, celle du musée et des visiteurs, et de l’idée d’une proximité lointaine par la webcam. Et elle se nourrit aussi littéralement…

La nourriture ! Poincheval a adopté un régime alimentaire spécifique. Dans une certaine mesure, il a aussi vécu comme l’ours et pas uniquement dans l’ours grâce aux repas préparés par Olivier Dohin, artiste, géographe et « performeur culinaire[29] ». Il a adapté le régime principalement omnivore des ours aux contraintes de la performance (l’immobilité) et à ses conséquences (transit ralenti, perte de masse musculaire). Poincheval réhydratait ses repas grâce au seul ustensile de cuisine qu’il s’était autorisé : une bouilloire. Quelques écarts à ce régime d’ursidés : les mignonnettes d’alcool…  Encore que, précise Dohin : « À la fin de l’été, ils [les ours] laissent les fruits pourrir au sol et les mangent une fois qu’ils ont fermenté – ils en sont assez friands[30]. » L’attention portée à la qualité et à la variété des repas n’est pas secondaire :

Les goûts sont augmentés, parce qu’on est dans un espace qui est tout le temps le même ; les variations sont donc surtout gustatives. J’avais parlé de ça avec un capitaine de sous-marin, qui m’avait dit que l’une des choses les plus importantes dans la nourriture, quand on est dans des situations d’enfermement comme ça, c’est le goût et la couleur. C’est le truc qui aide à tenir dans les moments difficiles[31].

En ayant un régime alimentaire similaire, en étant placé là où l’ours digère, Poincheval ne devient pas tant l’ours que son appareil digestif. Et habiter l’ours, c’est se greffer vivant à l’animal naturalisé, c’est donc l’habiter en chimère.

À eux deux ils composent un monstre, un être non-séparé, associé, condensé plus que fusionné puisque temporaire. Poincheval réinvente la chimère des chambres des merveilles.

Chambre des merveilles et cabinet de curiosités

Un musée, quelle que soit la ou les origines dont il se réclamerait, est le lieu de la réflexivité humaine mise en scène. Et celui de la Chasse et de la Nature oscille entre l’actualisation de la chambre des merveilles (par la présence d’Ours) et du cabinet de curiosités. Plus particulièrement, ce musée prend le parti de la représentation du rapport de force ancestral de l’homme et de l’animal dans nos civilisations européennes. Il est savamment mis en scène tel un théâtre de la mémoire. En ces lieux l’ours est d’abord un trophée, une conquête humaine de ce qui la dépasse en sauvage/rie et en force pourtant[32]. Mais ce musée ne nous apprendra pas à chasser l’ours pour autant. Si la forêt, « le lieu des bêtes », a « la puissance du hors-champ », si elle est « un outre-monde[33] », qu’en est-il de ce Musée de la Chasse et de la Nature[34] ?

Le Musée de la Chasse et de la Nature est la version contemporaine de la grotte préhistorique, par ce rapport autre et distant à l’animal. Et il devient ainsi le lieu de la relation à « l’intimité perdue[35] » lieu en devenir de la mélancolie. Une autre forme de violence est soustraite ici, non pas celle originelle dans la relation ancestrale à l’animal, mais humaine et contemporaine envers les mondes animaux, tant sauvages que domestiques.

Habiter, géographie et ontologie

Quand on habite de tels espaces, quand on traverse de telles expériences, tous les points d’ancrage du quotidien disparaissent. On n’est pas du tout dans les mêmes repères[36].

Poincheval partage avec Herzog une pratique artistique liée au géographique, autrement dit ils pratiquent une géographie qui donne forme et sens à l’œuvre[37]. Habiter l’ours, c’est habiter plusieurs espaces à la fois, c’est développer plusieurs formes de relations concomitantes à ceux-ci.

Habiter, en géographie, c’est une déclinaison d’être : Poincheval habite en vigie, en bouteille, en gyrovague, en poule, en ours. Et pour habiter il territorialise ses performances. En géographie on parle de spatialité, au double sens de relations à l’espace et de représentations de ces relations à l’espace. Augustin Berque définit ainsi la géographie comme l’étude de « […] l’habiter sur terre ; question qui est indissociablement géographique et ontologique puisqu’elle implique non seulement l’étendue physique mais aussi l’espace vécu[38] ».

La spatialité, comme relation ontologique, comme relation constitutive de l’humanité avec son milieu, est un paramètre fondamental de la forme et du sens des performances de Poincheval. Les espaces physiques et virtuels, visibles ou invisibles, avec lesquels il entre en relation, qu’il habite, sont complexes dans leurs interrelations. Et finalement, le sentiment de confinement du départ se trouve dépassé par une conscience multiple des possibles dimensions de l’espace, par l’artiste et par le visiteur. On a vu quatre de ces dimensions d’espaces : l’espace dans l’ours (habitacle) ; l’espace virtuel sur le Web qui paradoxalement le montre partout tout en étant au dedans de l’ours ; l’espace mental (de l’artiste, du visiteur) affecté par l’expérience. Le quatrième espace, celui du musée, est le réceptacle enveloppant l’habitacle et l’habitant, et une partie des visiteurs.

Les visiteurs du musée

Se sont ainsi produits des conversations, des rencontres, des relations avec des visiteurs. En voici une sélection extraite d’un entretien avec l’artiste[39] :

[…] Une jeune fille qui était à l’affût de tous les lieux à l’abandon ou ensevelis, et qui vivait dans des maisons, appartements abandonnés. Des lieux qui étaient restés dans l’état après que leurs propriétaires aient disparu… C’était très étrange car j’avais la sensation que tous les lieux qu’elle me décrivait entraient dans l’ours et qu’ils en produisaient une nouvelle architecture. Ce qui était fort dans son récit c’est qu’elle habitait les lieux comme un fantôme, comme le gardien d’un temple, elle ne déplaçait rien. Elle est venue deux fois.

[…] Une écrivaine pour qui l’ours a été le premier auditeur de son roman : elle m’a raconté il n’y a pas longtemps qu’elle est venue plusieurs fois avant de se décider à lire. C’était l’histoire d’un personnage mi-homme mi-ours.

[…] Une dame âgée qui venait le soir pour partager un drink… Quelqu’un d’incroyable avec une voix de film de la Warner… Une façon d’être très à l’ancienne grande bourgeoisie, vraiment incroyable. Elle montait avec son cocktail et moi j’étais avec mon whisky et nous échangions. C’était très doux, je me disais que la belle et la bête ne pouvaient être mieux. Mes souvenirs de ces moments passés avec elle à discuter ne sont qu’en noir et blanc.

Fin ouverte

Bien que placée en ce musée, la performance de Poincheval ne tente pas de réactiver la mémoire accumulée d’une relation ancestrale de l’homme à l’ours. Par cette relation, il ne vient pas commémorer avec mélancolie, il ne vient pas côtoyer les ruines du passé. Bien au contraire, le temps qu’il expérimente au présent en habitant l’ours naturalisé fait œuvre d’événement fondateur, qui aussi poursuit un mythe. La performance prolonge le mythe dans le contemporain par un nouvel événement tout en réactivant ses phases passées. Comme s’il s’agissait aussi de renouer, par cette expérience (celle de l’artiste, celle du visiteur, celui qui en prendrait connaissance dans l’avenir) avec la force créatrice d’une pensée librement analogique et associative (chimère homme-ours) : une pensée à l’œuvre au sein des chambres des merveilles.

Poincheval raconte donc un chapitre nouveau du mythe de l’animalité Homme-Ours. Et comme pour tout mythe, plusieurs versions lui seront nécessaires. Chaque visiteur en est une version en devenir, en est une autre forme d’archives que la sculpture-ours et les dessins et les maquettes. Les visiteurs en sont les « archives disséminées[40] » qui participeront à la construction des versions du récit. Archives disséminées car l’œuvre ne sera pas répétée. La transformation continue, par-delà l’événement. L’acte d’œuvre devient difficile à circonscrire tant par les espaces investis que dans sa durée.

Ailleurs la performance aurait été autre, et c’est pour ça que Poincheval ne l’a activée qu’une seule fois au musée[41]. La performance Ours a donc été un événement et non pas un rituel à rejouer. La performance vaut donc autant par son lieu d’inscription que par son protocole et ses objets. Il n’y a pas uniquement l’homme positionné en son ours, mais aussi l’emplacement de l’ensemble au musée de la Chasse et de la Nature et les relations qui s’y nouent, celle en particulier de la digestion, transformation, passage, qui ramène au temps.

De la grotte comme lieu tout à la fois de la conjuration de la violence et de la célébration de la vivacité, au musée comme lieu de pratiques et de relations à jamais passées[42], Poincheval ici placé, même temporairement, propose par sa présence d’associer les collections inanimées au vivant : un artiste entre dans les collections du musée et non pas dans un zoo.

Dans la plus grande partie de mon travail, la question du lieu de l’œuvre est présente. L’expérience avec l’ours s’est déroulée dans un musée. Ça m’intéressait d’y être présent physiquement sans apparaître vraiment. Je pensais à l’histoire du cheval de Troie. Je trouvais assez belle l’idée d’entrer par le camouflage. J’aimais aussi le fait que la connexion Internet, qui me reliait aux visiteurs du musée et à d’autres lieux en France par l’intermédiaire d’une webcam, ouvrait le musée sur l’extérieur d’une autre façon[43].

BIBLIOGRAPHIE
BAILLY, J. C. : Le versant animal. Paris : Bayard, coll. « Le rayon des curiosités », 2007.
BERQUE, A. : Mais qui donc est au milieu du monde ? In Milieu et identité humaine, notes pour un dépassement de la modernité. Paris : Donner lieu, 2010.
BLANC, A. – SCHLESSER, Th. : Abraham Poincheval, Palais de Tokyo 03.02 – 08.05 2017. Paris : Les Presses du réel, coll. « Palais de Tokyo », 2017.
CURNIER, J. P. : Philosopher à l’arc. Paris : Chatelet-Voltaire, 2013.
FalguiÈres, P. : Les chambres des merveilles. Paris : Bayard, coll. « Le rayon des curiosités », 2003.
PASTOUREAU, M. : L’Ours, Histoire d’un roi déchu. Paris : Seuil, 2007.
WODZINSKI, C. : Le Saint-Idiot. Paris : La Différence, 2012.

SITOGRAPHIE
http://www.chassenature.org/ [Consulté le 20/09/2017].
https://munchies.vice.com/fr/article/3d9dxv/manger-comme-abraham-poincheval [Consulté le 27/09/ 2017].
https://www.youtube.com/watch?v=c68AtlROFe8 [Consulté le 20/09/2017].


[1])  http://www.chassenature.org/ [Consulté le 20/09/2017].
[2])  Le cabinet de curiosités est un compromis temporaire entre la chambre des merveilles et le musée moderne.
[3])  FalguiÈres, P. : Les chambres des merveilles. Paris : Bayard, coll. « Le rayon des curiosités », 2003, pp. 47-48.
[4])  Avec L. Tixador.
[5])  Pierre, 2017. Palais de Tokyo, Paris.
[6])  Vigie, 2015. Esquibien ; La Vigie urbaine, 2015. La Criée, Rennes ; Vigie/Stylite, 2016. Gare de Lyon, Paris.
[7])  Gyrovague le voyage invisible, 2011-2012.
[8])  Bouteille, traversée de la France à la Suisse, 2016-2017.
[9])  Poincheval évoque Alice et la traversée du miroir (Lewis Caroll). Cf. BLANC, A. : « Habiter au cœur des choses », entretien entre Abraham Poincheval et Adélaïde Blanc. In Abraham Poincheval, Palais de Tokyo 03.02 – 08.05 2017. Paris : Les Presses du réel, coll. « Palais de Tokyo », 2017, p. 70.
[10])  Œuf, Palais Tokyo, Paris, Pâques 2017.
[11])  Projet en cours.
[12])  WODZINSKI, C. : Le Saint-Idiot. Paris : La Différence, 2012.
[13])  Total symbiose, Îles du Frioul, Marseille, 2001.
[14])  Entretien juin 2017, Marseille.
[15])  Ibid.
[16])  PASTOUREAU, M. : L’Ours, Histoire d’un roi déchu. Paris : Seuil, 2007.
[17])  Entretien juin 2017, Marseille.
[18])  HERZOG, W. : Grizzly Man, 2005.
[19])  Entretenant d’ailleurs une coupe de cheveux « à la prince vaillant » comme le raconte un de ses amis dans le film.
[20])  SCHLESSER, T. : Abraham Poincheval. L’Humanité en suspens. In Abraham Poincheval, Palais de Tokyo 03.02 – 08.05 2017. Paris : Les Presses du réel, coll. « Palais de Tokyo », 2017, p. 66.
[21])  Herzog reprend cette expression des années 1950 de l’alpiniste Lionel Terray.
[22])  SCHLESSER, T. : Abraham Poincheval. L’Humanité en suspens. Art. cit., p. 63.
[23])  BLANC, A. : « Habiter au cœur des choses », entretien entre Abraham Poincheval et Adélaïde Blanc. Art. cit., pp. 69-76.
[24])  Ibid.
[25])  Ibid.
[26])  BAILLY, J. C. : Le versant animal. Paris : Bayard, coll. « Le rayon des curiosités », 2007, pp. 44-45.
[27])  « L’ouvert n’est que l’éternelle présentation au présent et il est, comme tel, sans passé et sans avenir […] » Ibid., p. 40.
[28])  Ibid., p. 92.
[29])  https://munchies.vice.com/fr/article/3d9dxv/manger-comme-abraham-poincheval [Consulté le 27/09/2017].
[30])  Ibid.
[31])  Ibid.
[32])  Il y a notamment des ours naturalisés et mis en scène dans le musée, lors de la performance d’Abraham Poincheval.
[33])  BAILLY, J. C. : Le versant animal. Op. cit., p. 20.
[34])  Un passage du texte de Bailly peut être éclairant, lui-même partant des réflexions de Georges Bataille sur l’art pariétal : « Tous les peuples de chasseurs ont eu à négocier un pacte avec le monde animal, non seulement parce qu’ils dépendaient de lui et parce qu’ils prélevaient dans sa masse mais aussi, et sans doute tout autant, parce qu’ils étaient fascinés par l’exubérance de ces êtres vivant sur terre autrement qu’eux et vivants, leur semblait-il, plus naturellement qu’eux (cette brisure dût apparaître dès les premiers âges). Les peintures de la préhistoire sont elles-mêmes la forme ou la modulation d’un tel pacte : par la figuration des animaux quelque chose est soustrait à la violence, l’image prend la violence […] peut-être au prix d’une action rituelle, dans l’accalmie, c’est-à-dire dans le noir revenu de la grotte. ». Ibid., p. 24.
[35])  Bataille cité par Bailly. Ibid., pp. 22-23.
[36])  BLANC, A. : « Habiter au cœur des choses », entretien entre Abraham Poincheval et Adélaïde Blanc. Art. cit., pp. 69-76.
[37])  Fitzcaraldo dans le film éponyme d’Herzog dit au début du film : « I am planning something geographical ».
[38])   BERQUE, A. : Mais qui donc est au milieu du monde ? In Milieu et identité humaine, notes pour un dépassement de la modernité. Paris : Donner lieu, 2010, p. 52.
[39])  Entretien juin 2017, Marseille.
[40])  Terme de Viviana Gravano au sujet des situations de Tino Seghal, Intervention dans le cadre du colloque « La performance : vie de l’archive et actualité », AICA-France/Villa Arson. 25, 26 et 27 octobre 2012. Disponible sur : https://www.youtube.com/watch?v=c68AtlROFe8 [Consulté le 20/09/2017].
[41])  Le contrat signé avec le musée qui a acquis la sculpture interdit la réactivation de la performance, par qui que ce soit, contrairement à un autre projet comme celui de la vigie.
[42])  D’ailleurs, il n’y a pas de section à partir d’armes ou de pratiques contemporaines de la chasse.
[43])  BLANC, A. : « Habiter au cœur des choses », entretien entre Abraham Poincheval et Adélaïde Blanc. Art. cit., pp. 69-76. Sur l’art du camouflage et de la chasse (la guerre n’en est-elle pas une déclinaison ou inversement ?), voir le livre de J. P. Curnier (Philosopher à l’arc. Paris : Chatelet Voltaire, 2013), qui rappelle que, comme le Cheval de Troie, l’art du camouflage n’est pas d’abord un art de la dissimulation mais art de la présence incongrue et inattendue saisissant, comme interloqué, la proie ainsi désarmée par l’étonnement, la surprise.

Christelle Nicolas
Université d’Artois – Maison de la Recherche
Laboratoire Discontinuités EA 2468
9, rue du Temple, 62 030 Arras